L’objectif de cette présentation est de donner un premier aperçu de Luiz Antonio Simas. Lauréat du prix Jabuti, le prix le plus important du monde éditorial brésilien, dans la catégorie nonfiction en 2016, Simas est un écrivain né dans la ville de Rio de Janeiro dont la liste de livres pourrait être largement classée comme historiographiques et comprend l’histoire de la samba, des rites afro-brésiliens et des religions ; ainsi que des publications de chroniques, de poésie et la composition de chansons enregistrées par divers interprètes renommés de la musique brésilienne contemporaine. Le leitmotiv de ses réflexions est la nécessité de trouver, personnellement et en tant qu’identité pour le pays, une nouvelle façon d’être, en réponse aux défis de la compréhension des racines du racisme structurel du Brésil.
L’émergence d’auteurs comme Luiz Simas met en lumière une préoccupation à la fois sociétale et académique qui peut être considérée comme l’une des principales caractéristiques des quatre dernières décennies. À partir des années 1980, la compréhension du débat public et du système universitaire brésilien passe par la prise en compte de la discussion initiée par les courants du mouvement noir et aujourd’hui largement répandue sur la nécessité de reconnaître le racisme et d’empêcher sa reproduction. Le terme le plus courant est le racisme structurel, car ce n’est pas seulement en termes socio-économiques que le fossé entre Blancs et non Blancs se perpétue ; c’est aussi dans la transformation de certaines formes de culture en canon au détriment d’autres, ou même dans la façon dont les gens lisent et sont lus en fonction de leur phénotype.
Une discussion sur la genèse du concept de racisme structurel et sur les critiques qui lui sont adressées dépasse le cadre de cette présentation, car elle nécessiterait une réflexion plus détaillée sur des plusieurs aspects de l’histoire brésilienne, ce qui exigerait une longue traduction pour un public étranger. Néanmoins, ces informations de base doivent être prises en compte pour comprendre l’objectif de l’analyse (encore en cours) des écrits de Simas. Dans ceux-ci, il est possible d’identifier et d’analyser différentes métanoïas présentes dans le texte et imbriquées les unes dans les autres. En ce qui concerne la subjectivité de l’auteur, l’écriture envisage la (re)découverte de Simas lui-même en tant qu’objet de réflexion. Il se définit comme un homme blanc initié au candomblé dès son enfance, né à Rio de Janeiro de parents ayant migré d’autres régions et considère son écriture comme inséparable de l’éphémère, du dialogue entre des mondes différents mais non opposés. Le processus d’écriture de Simas est en soi une forme de métanoïa au sens contemporain du terme (ELLWANGER, 2020), puisqu’il propose une réforme du langage à travers lequel il voit et décrit le monde, une reconversion (renoncement à l’eurocentrisme en faveur d’une revalorisation des récits non occidentaux) et, par la somme de ces deux facteurs, une affirmation du langage en tant que méthode de construction de ce moi renouvelé.
Une deuxième métanoïa est présentée par Simas comme un projet intellectuel qui transcende sa propre figure pour nous interroger tous, historiens brésiliens. À travers une prose érudite et fluide, Simas propose des idées déconcertantes parce qu’elles ne sont pas faciles à mener jusqu’à leurs ultimes conséquences, comme la subversion de la hiérarchie des thèmes traditionnels de l’historiographie brésilienne. Ses livres mettent l’accent sur les pères et les mères des saints, les carrefours de rencontres entre les migrants installés à Rio de Janeiro et les religiosités constituées par un dialogue entre le christianisme et des traditions telles que le candomblé, le xangô et le tambor, entre autres. La figure allégorique du “carrefour” (originaire de l’Umbanda) est utilisée comme outil d’analyse des processus historiques qui composent l’histoire du Brésil. En tant qu’historien et sociologue de la société brésilienne contemporaine, l’auteur de la présentation est également appelé à répondre à l’appel de Simas pour une reformulation du métier d’historien (Bloch) dans les conditions du Brésil contemporain, sans laisser d’être en dialogue avec les préoccupations déjà consacrées par l’école des Annales.
Repenser l’histoire du Brésil, c’est aussi repenser ce que signifie être brésilien ou, comme l’écrit Simas, quelle est la brésilianité que nous voulons affirmer ; il s’agit là d’une troisième forme possible de métanoïa, si nous acceptons le défi proposé par Ellwanger (2020, p. 171) de chercher une conception de ce que serait une expérience collective du processus. Ce dernier sens prend un sens politique car on définit le Brésil sur la base de sa diversité raciale, une idée qui, bien qu’elle ne soit pas nouvelle, a pris un radicalisme sans précédent au cours des dernières décennies – avec des réactions qui nous rappellent les diverses façons subreptices dont le racisme subsiste dans la société brésilienne.
En résumé, la présentation vise à explorer le potentiel analytique du concept de métanoïa en tant qu’outil de compréhension d’un auteur, de son œuvre et du débat public dans la société brésilienne, en se basant sur le cas d’un auteur brésilien contemporain.
Références bibliographiques
ELLWANGER, Adam (2020) Metanoia : Rhetoric, Authenticity, and the Transformation of the Self. Pennsylvanie, Pennsylvania University Press.
SIMAS, Luiz Antoio (2013) Pedrinhas Miudinhas : ensaios sobre ruas, aldeias e terreiros. Rio de Janeiro : Editora Mérula.
— (2017) Coisas nossas. Rio de Janeiro : José Olympio.
— (2021) Umbanda : Uma História do Brasil . Rio de Janeiro : Civilização Brasileira.
SIMAS, Luiz Antoio & RUFINO, Luiz (2018) Fogo no mato : a ciência encantada das macumbas. Rio de Janeiro : Editora Mórula.
SIMAS, Luiz Antoio & RUFINO, Luiz (2020) Encantamento : sobre politica de vida. Rio de Janeiro : Editora Mérula.

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